C.J. Une écluse, comment ça marche ?
Comme le niveau d’eau n’est pas le même partout sur un cours d’eau, l’écluse permet le passage des bateaux d’un niveau à un autre tout en garantissant un niveau d’eau dans chaque bief.
Une écluse est composée de trois parties : le bief aval, le sas et le bief amont. Ces trois parties sont séparées par deux grandes portes. Prenons un bateau montant. Il arrive dans le bief aval (où le niveau est le plus bas). Grâce à des ouvertures (vantelles) situées sous l’eau dans la première porte, le niveau d’eau dans le sas est amené à même hauteur que dans le bief aval. La porte s’ouvre et le bateau entre dans le sas. La porte se referme et le bateau est maintenant dans le sas entre les deux portes. Les vannes immergées de la porte entre le sas et le bief amont sont ouvertes, permettant de faire passer l’eau du bief amont dans le sas. Dans le sas, l’eau monte et quand le niveau de l’eau est le même que celui du bief amont la porte entre le bief amont et le sas peut s’ouvrir et le bateau passe. Il continue sa route.
En cours d’entretien, le bateau « Sabrina » ( 90m X 11m52 / capacité 2.200 tonnes, chargée ici de 1650 tonnes) a emprunté l’écluse. Il venait de Lustin pour se rendre à Lummen (Anvers). Avant l’aménagement des infrastructures de chargement à Lustin, ce même bateau était chargé au port de Lives-sur-Meuse par de nombreux camions (+-80) qui traversaient la localité jamboise ! ; C.J. a pu assister à la manœuvre rendue un peu plus délicate car une vanne n’était pas bien fermée et l’eau montait donc moins vite dans le sas. Très attentif et en contact radio avec le batelier, Monsieur PASCAL a mené l’opération sans encombre. Elle a duré très exactement 15 minutes.
Quand vous passez à l’écluse faites lui signe, il voit tout…
Contact :
Écluse de la Plante – Avenue Félicien Rops
Alain.pascal@voo.be
https://alainpascal.skyrock.com/
www.meusenamuroise.be
Alain Pascal, le gardien du fleuve
Rencontre avec Alain PASCAL, éclusier-barragiste
Écluse de Jambes ou écluse de La Plante ?
Vous pensez qu’on triche un peu là, au magazine « côté Jambes » !
Mais non, c’est facile. : Sur la haute-Meuse, la voie navigable se trouve toujours sur la rive gauche du cours d’eau (entre 15 m. et 55 m. de cette rive). La passe non navigable et le barrage se situent à l’opposé sur la rive droite du fleuve.
Le tour est joué.
Nous revoici à Jambes, mais l’écluse porte le nom de la localité située du côté de la passe navigable, La Plante.
C.J. Monsieur PASCAL, d’où vous vient ce choix d’un métier si particulier ?
J’ai toujours été passionné par la Meuse. J’en ai été riverain depuis mon enfance, entre Huy et Liège. Un coup de cœur pour les paysages de la Haute-Meuse m’attire vers Jambes en 1988, où avec ma famille j’occupe un logement de fonction situé rue de Francquen, à peu près en face des installations du barrage-écluse actuel. Et ce, jusqu’il y a peu, puisque devenu Naninnois fin 2017 (gardien à distance)
La Meuse me fascine. Je la regarderais pendant des heures…
C.J. Quel est votre parcours professionnel ?
Je suis employé par l’administration depuis 1979 et affecté aux voies navigables depuis 1983. En janvier 1988, j’ai pris ma fonction de chef de section de Meuse sur le district de Namur (Dave, Wépion, Namur, Jambes) pour ensuite revenir vers le métier d’éclusier en 2004, comme chef de poste au barrage-écluse de La Plante.
J’y suis toujours et je ne m’en lasse pas! J’aime le contact avec la batellerie ainsi que les plaisanciers en période estivale.
L’écluse de La Plante fait 105 m. x 12 m. Elle est légèrement plus grande que les autres écluses de la Haute-Meuse.
C.J. En quoi consiste le quotidien de votre travail ?
L’écluse est ouverte de 6h à 19h30 (Le dimanche, de 9h à 19h30 au plus tard, suivant la période de l’année !)
J’exécute toutes les tâches propres au métier d’éclusier. Je gère une petite équipe de cinq personnes.
Je suis notamment chargé d’accueillir les usagers de la voie d’eau, de les guider et les aider au besoin lors de l’amarrage dans le sas.
A La Plante, il passe entre 5 et 10 bateaux marchands par jour. (pour +- 35 bateaux marchands vers la Sambre). Ils assurent le transport de produits carriers en provenance de Lustin, Yvoir et Givet, des céréales en provenance du silo de Givet ainsi que des marchandises diverses (engrais, celluloses, bois, charbon, métaux, …) depuis les ports maritimes et vers le port de commerce de Givet.
Le trafic n’est pas seulement lié aux bateaux de commerce mais aussi à celui des bateaux de plaisance et du transport de passagers. Le trafic en haute Meuse est surtout touristique en période estivale. La haute Meuse est plus sauvage et les nombreux attraits de sa vallée attirent plaisanciers et touristes de nombreux pays. Certains, hélas moins nombreux que par le passé, rejoignent encore la méditerranée via la Haute-Meuse et les voies navigables françaises.
Le réseau fluvial wallon permet de découvrir des paysages différents, à un autre rythme. Les plaisanciers ont parfois besoin d’aide pour la manœuvre.
Dans mes missions, j’ai également effectué la police, aujourd’hui laissée au chef de section (policier domanial) ainsi qu’à la police de la navigation (fédéral). A partir du pont de Jambes (limite entre Haute-Meuse et Meuse moyenne), la vitesse est limitée à 12 km/h. pour les marchands et 15 km/h. pour les plaisanciers et transports de passagers. Je contrôle les documents de navigation des bateliers. Je dois vérifier le tirant d’eau des bateaux chargés (l’enfoncement autorisé dans l’eau). Sur la Haute-Meuse, il est de 2,50 m. Au besoin, le faire corriger, afin d’éviter des dégradations au seuil de la porte de l’écluse ou au bateau dans le bief. Je peux refuser le passage du bateau et faire appel à la police de la navigation, en cas de désaccord.
Je communique avec la batellerie au moyen de la VHF « mariphone » et je préviens l’écluse suivante, par téléphone, de l’arrivée du bateau. (Bientôt suivi par les éclusiers sur leur écran via l’AIS – marine traffic)
Je manœuvre l’écluse et au besoin le barrage (automatisé depuis 2012), via le poste de commande qui surplombe le sas de l’écluse.
Je veille aussi, en tant que chef de poste, au bon fonctionnement de l’écluse et du barrage: l’organisation du service, la participation à l’entretien, la surveillance des installations et les demandes d’intervention des services techniques, la transmission quotidienne de la situation des eaux de la haute-Meuse ainsi que la pluviométrie aux services concernés (journal de la batellerie, IRM).
C.J. Avez-vous constaté une évolution dans votre métier ?
Oui, la volonté du Service Public de Wallonie est sans nul doute de développer le trafic fluvial pour des raisons d’écologie et de mobilité principalement. Ce développement passe par une modernisation et une digitalisation progressive du matériel, une numérisation des postes de commande et des informations qui, à terme, seront données en temps réel. La création du centre Perex 4.0 est au cœur de tout ce développement.
Dans ce même but de favoriser le trafic fluvial, depuis 2006, il n’existe plus de droit de navigation : le trajet est gratuit, de même que l’évacuation des déchets produits par les bateliers. Depuis 2015, l’eau potable est également fournie gracieusement.
C.J. Qu’est-ce que le centre Perex 4.0 ?
Le centre Perex est le centre de surveillance et de contrôle du réseau routier en Wallonie. En mai 2016, le gouvernement wallon a décidé de doter la Wallonie d’une centre Perex 4.0 qui fusionne contrôle du réseau routier et contrôle du réseau fluvial .
Le centre Perex 4.0 s’occupera donc maintenant aussi du contrôle et de la surveillance de l’état du réseau fluvial et de ses ouvrages d’art hydrauliques (écluses, barrages, ascenseurs)
Les équipements, les outils, les locaux vont être progressivement « upgradés » pour passer à l’ère du numérique en vue d’une gestion « high-tech »
La gestion du réseau routier et fluvial est centralisée à Daussoulx , au cœur de l’échangeur et pourra à terme intervenir et donner des informations en temps réels.
75 millions d’euros d’investissements ont été prévus pour les voies hydrauliques
C.J. Vous parlez d’impact écologique et de mobilité ?
Un camion représente en moyenne 20 tonnes de marchandises. Par bateau, la plus petite des péniches (type spits) peut remplacer 15 camions ; les bateaux de 1.350 tonnes en remplacent 70 et un bateau Grand Rhénan de 110 mètres en remplace 150.
En poursuivant la modernisation du réseau fluvial wallon (la Wallonie compte plus de 450 km de fleuves, canaux et rivières-) et donc le développement du transport par voie d’eau et du transport intermodal (bateau + train ou bateau+ camion) le Gouvernement Wallon estime qu’à partir de 2020 on pourra ainsi éviter le passage de 500.000 camions par an sur l’autoroute E42. L’impact se sentira sur la mobilité et la sécurité routière.
Le Gouvernement Wallon espère aussi diminuer les émissions de C02 : un camion émet entre 80 et 100 gr de CO2 par tonne au kilomètre alors que le bateau fluvial n’émet que 30 gr de CO2 soit trois fois moins pour la même quantité transportée sur la même distance.
Moins énergivore le transport par eau a un coût de revient moindre pour les industries.
Les conteneurs parqués sur les bateaux simplifient aussi la manutention : les marchandises quittent leur lieu de production en conteneurs remplis et le lot complet fait le trajet de son lieu de production à sa destination finale en simplifiant au maximum les transferts entre les moyens de transport : Economie de main d’œuvre, plus de rapidité et transport plus sûr.