Vues de Jambes prises lors des inondations de décembre 1925-janvier 1926
Cartes postales anciennes.
Namur, Bibliothèque communale.

Vue de Jambes prises lors des inondations de décembre 1925-janvier 1926
Cartes postales anciennes.
Namur, Bibliothèque communale.

Des membres de l’Union civique belge secourant des sinistrés, rue de Dave, lors des inondations de 1925-1926
Carte postale ancienne.
Namur, Bibliothèque communale.

Plaques en fer indiquant le niveau de la crue
du 31 décembre 1925
Quai de Meuse et pont d’Enhaive à Jambes.
© Gontran Toussaint

La Meuse impitoyable

Si les fleuves sont souvent sources de vie et de prospérité, moyens de communication et de commerce, ils engendrent aussi la ruine, la dévastation, la misère.
Aussi belle et calme qu’elle peut l’être, la Meuse s’est faite vengeresse à trois reprises dans le premier quart du XXe siècle : 1910, 1920, 1925-1926. Ce n’était pas les premiers débordements du fleuve, ni des derniers d’ailleurs. L’avocat et historien Galliot en avait dressé un inventaire dans son Histoire générale, ecclésiastique et civile de la ville et province de Namur (t. V, Liège, 1790). La liste est longue depuis le XIIe siècle : 1175, 1349, 1374, 1460, 1463, 1505, 1560, 1571, 1614, 1641, 1643, 1658, 1663, 1725, 1740. Que de détresse, que de drames vécus par de nombreuses familles namuroises et jamboises.
Voici 81 ans, les 31 décembre 1925 et 1er janvier 1926, des inondations considérées comme catastrophe nationale mettent sous eau plusieurs localités de la vallée mosane. Parmi celles-ci, Jambes est la commune la plus touchée car sur ses 1700 maisons, 1300 sont inondées.

Le Nouvel An 1926

Le début du mois de décembre 1925 est particulièrement neigeux. De fortes averses de neige tombent sur la vallée mosane. La neige s’amoncèle et forme un épais manteau. C’est enfin le dégel généralisé qui gonfle les rivières qui se déversent dans la Meuse. L’eau monte inexorablement car en plus la pluie se met à tomber. On espère un retour du gel qui ne viendra pas. Le 29 décembre l’eau envahit Jambes et Namur.
C’est une catastrophe dont on n’a pas eu d’exemples depuis fort longtemps. On assure que ce matin, vers 8h, la situation était la même que celle de 1880, qui est restée célèbre. Toute la vallée de la Meuse est couverte d’eau.
Dans un grand nombre de rues, il y a 1m50 d’eau. Les services de la distribution d’eau, de gaz, de l’électricité sont interrompus.
Dans les quartiers les plus éprouvés, l’eau atteint la moitié de la hauteur des chambres du rez-de-chaussée.
C’est partout la consternation. (Vers l’Avenir, 31 décembre 1925).
La Meuse monte à raison de 30 cm à l’heure et on enregistre encore des chutes de pluie considérables.
Le jour de l’An 1926 est bien triste pour de nombreux foyers. Les habitants sont cloîtrés chez eux et manquent d’eau potable, de pain, de gaz et d’électricité. Le moral des sinistrés, partout, est resté excellent. On s’entraidait. La courageuse cordialité wallonne avait pris le dessus. (Vers l’Avenir, 01-02 janvier 1926).
Au fort de l’inondation, les spécialistes estiment qu’il passe en Meuse dix millions de mètres cubes d’eau à l’heure. La Meuse à certains endroits a quintuplé de largeur. Le fleuve compte une hauteur de 8 m ; le niveau est de 5m50 au-dessus de la normale. (Vers l’Avenir, 01-02 janvier 1926).
Le jour de l’An, la décrue s’entame lentement, pour ralentir dans la nuit du 2 au 3 janvier 1926 et dans la journée du 3. (Vers l’Avenir, 03-04 janvier 1926).
Le 5 janvier, les eaux ont abandonné le terrain…comme on peut le lire dans la presse (Vers l’Avenir, 5 janvier 1926).
Partout, les eaux, en se retirant, ont laissé une boue épaisse, gluante et nauséabonde. Partout aussi se perçoit l’odeur de chlorure de chaux. (Vers l’Avenir, 7 janvier 1926).

Le bourgmestre Fichefet raconte

Le bourgmestre de Jambes est resté mobilisé pendant toute la durée des inondations, ne prenant que très peu de repos. Il se confie au journaliste de Vers l’Avenir en ces termes (03-04 jamvier 1926).
…Le jeudi (31 décembre) vers 5 heures du matin, l’eau était arrivée jusque dans la rue Mazy, et elle baignait aussi le pied du pont de Luxembourg.
Jambes était, dès lors, isolé de Namur ; l’eau sortait de la rue Tilleux, pour se précipiter vers l’avenue des Acacias, où l’eau atteignait déjà cinquante centimètres.
Par la rue de Dave, la Meuse reprenant la ligne droite, s’élançait en bouillons impétueux vers la rue d’Enhaive ; en face de celle-ci, la demeure de la famille Lambin eut fort à souffrir  ; la porte cochère sous la violence du courant, qui chassait l’eau du jardin vers la rue ; les vitres des fenêtres éclatèrent et l’eau en jaillissait comme d’immenses vannes. Il en fut de même à la maison Bonamis.
Le ravitaillement des sinistrés commença immédiatement avec les moyens de fortune dont nous disposions ; on hissa comme on put une barque qui était en Meuse devant chez moi et les bannettes du Club Nautique furent mises à contribution ; on porta ainsi du pain comme on put un peu partout, mais en bien des endroits, la violence du courant rendit cette besogne extrêmement pénible, voire même impossible avec le matériel léger dont on disposait…

Visite royale le 4 janvier 1926

Après la région liégeoise le 2 janvier, le couple royal vient réconforter les sinistrés de Namur et de Jambes le lundi 4 janvier 1926. Accueilli par M. le bourgmestre Fichefet, le Roi Albert et la Reine Elisabeth franchissent le pont de Jambes en voiture et se dirigent vers la place communale. Ils prennent place dans une barque et pénètrent dans la rue d’Enhaive dont les habitations sont fortement sinistrées. Après s’être attardés à cet endroit, ils rejoignent les rues de Dave et Vauban et le boulevard de Meuse avant de franchir à nouveau le fleuve.
D’autres inondations viendront malheureusement perturber les habitants des deux rives en juillet 1980, février 1984, décembre 1993 et janvier 1995 mais sans commune mesure avec le désastre de l’hiver 1925-1926.

Jacques Toussaint,
Président du Centre d’Archéologie, d’Art et
d’Histoire de Jambes

Pour en savoir plus :

D. François, Témoins des inondations à Namur, dans Les Amis de la Citadelle de Namur, n° 72, octobre 1995, pp. 80-81.
A. Nève, Inondations 1925-1926, dans Pays de Dave, n° 77, octobre 1990, pp. 15-16.
A.-S. Maaskant & D. François (préface de J.-L. Close et avant-propos de J. Toussaint), Jours de crue. Les inondations de février 1910, janvier 1920 et de l’hiver 1925-1926 dans le Namurois. Images de crue. A travers des photographies d’époque, Namur, 1997. Ouvrage encore disponible sur le site internet : www.namurcitadelle.be.
A.-S. Maaskant & D. François, Jours de crue. Les inondations de février 1910, janvier 1920 et de l’hiver 1925-1926 dans le Namurois. Textes de crue. A travers des textes d’époque, Namur, 1997.