
S.A.R le Prince Baudouin.
Le septième fils du barbier
À la fin de l’été 1889,
grandes fêtes à Jambes pour l’inauguration du nouvel Hôtel de Ville. Celui-ci, démoli en 1992, se situait à l’emplacement actuel du SPW, anciennement Grand’Place (aujourd’hui Place de la Wallonie).
Un programme fastueux avait été mis au point pour trois jours de festivités, du samedi 14 au lundi 16 septembre. Des salves d’artilleries en donnèrent le départ. Concours de façades pavoisées et illuminées, cortège, concours de balle pelote, festival de chorales et fanfares, concours de chevaux de trait, concours de pêche entre le pont de Jambes et le pont du chemin de fer – un prix au premier poisson, un prix au plus grand nombre de poissons et un prix au plus gros poisson -, régates entre le pont de Jambes et l’écluse de La Plante, banquet, concert de musique militaire par la fanfare du 1er régiment des lanciers caserné à Namur : on n’avait rien négligé pour assurer le succès de l’événement. Mais la liesse fut portée à son comble lorsque la population fut appelée à participer, le lundi, à un moment d’émotion familiale et populaire.
Quelques jours auparavant, était né au foyer de François-Xavier et Marie-Lucie Sana, leur douzième enfant et septième fils. Selon la tradition, le Roi Léopold II serait parrain du nouveau-né. Mais surtout, l’enfant serait le premier à être inscrit dans les registres de la population du nouvel hôtel de ville.

L’ancien Hôtel de Ville de Jambes.
F.X. Sana était LE barbier de Jambes. On le disait, selon les journaux, « aussi connu qu’estimé ». La cérémonie d’inscription de son fils se fit avec solennité, dans un décorum aussi merveilleux que prestigieux. Le lundi 16 au matin, deux calèches allèrent chercher chez lui le barbier Sana et ses neuf enfants – deux filles, les aînées, et sept garçons, le dernier dans ses bras – pour les amener à la maison communale. La foule les applaudissait chaleureusement à leur passage. À leur arrivée sur la Grand’Place, la société chorale la Caecilia de Namur réserva une ovation lyrique à Sana. Celui-ci se montrait profondément ému. Près du perron de l’hôtel communal, les pompiers de Jambes étaient placés en lignes, comme une garde d’honneur pour le barbier et ses enfants. Dans la grande salle, où étaient réunis les membres du Conseil communal, le bourgmestre Valéry de Coppin félicita l’heureux père par un discours chaleureux. Sana répondit avec assurance et grand cœur, « promettant d’élever son fils dans des sentiments de patriotisme et de dévouement à son royal parrain ». L’échevin de l’état civil inscrivit alors l’enfant dans le registre communal*, sous les applaudissements de tous. Puis un vin d’honneur fut servi. Selon un chroniqueur présent, « un pétillant champagne coula généreusement ». Ensuite, le cortège se forma pour se rendre à l’église Saint-Symphorien où devait avoir lieu le baptême. En tête marchait le corps des pompiers, les voitures suivaient, escortées d’une foule de plus en plus nombreuse. Le Roi, ayant accepté d’être le parrain du nouveau-né, avait délégué le bourgmestre de Coppin pour tenir son filleul sur les fonts baptismaux. Mme Félicie Capelle-Anciaux, dame d’œuvre, en était la marraine.

Photo des lieux à recevoir
L’orgue résonna joyeusement et le doyen, entouré de son vicaire et des enfants de chœur, officiait en personne. Le nouveau-né fut appelé : Baudouin-Léopold-Valéry, réunissant ainsi les noms du roi, du prince héritier, fils aîné du Prince Philippe, comte de Flandre, et du bourgmestre de la commune. Le Te Deum clôtura la cérémonie. Le cortège rejoignit alors la demeure des Sana où les parents et les proches étaient appelés à fêter joyeusement l’événement.
Le chroniqueur poursuivit : « Une entrée dans la vie aussi solennelle, aussi fêtée, présage sans doute pour le jeune Baudouin-Léopold-Valéry Sana une existence heureuse et fortunée. Nous la lui souhaitons. »
Sources :
L’Ami de l’Ordre, 28, 29, 30 novembre et 2 décembre 1899