Magasin de Paysans-Artisans
Avenue Jean Materne, 192, 5100 Namur
Tél : 081 34 66 78
Permanence du Point de R’Aliment : Samedi de 11h00 à 13h00
Heures d’ouverture du magasin : Lundi de 12h00 à 19h00 – Mardi, mercredi et vendredi de 11h00 à 19h00 – Jeudi et samedi de 9h00 à 19h00 – Fermé le dimanche
www.paysans-artisans.be
Rencontre avec Michelle Haulotte, responsable de ce Point de R’Aliment
Pourriez-vous nous rappeler le fonctionnement du Point de R’Aliment ?
Le site de commandes est ouvert du samedi au mercredi à 23h59. Ce sont les producteurs qui mettent sur le site ce qu’ils ont à vendre. Donc, s’ils prévoient d’avoir une vingtaine de salades, ou une quarantaine, ce sont eux qui les mettent et qui fixent le prix de leurs produits. Paysans-Artisans prend 20% pour toute la gestion puisque ce sont eux qui gèrent tout le stock.
Les consommateurs peuvent donc aller choisir les produits qu’ils veulent commander. Ils paient en ligne, c’est l’idéal, mais on peut également payer par virement bancaire. Et le samedi matin entre 11h00 et 13h00, ils viennent ici rechercher leur commande au Point de R’Aliment.
Les commandes sont à retirer à l’intérieur ou à l’extérieur du magasin?
On dispose les présentoirs ici à l’intérieur, le long de la véranda. C’est ça l’avantage, c’est pour cela qu’on a quitté Amée, parce qu’on rencontre des gens ici qui passent au magasin, qui attendent à la caisse et on peut parler avec eux. Nous n’avions pas cela à Amée parce qu’il y a avait peu de gens du quartier qui venaient. Il y en avait quand même, mais peu, mais nous n’avions pas envie d’être un point qui se suffise à « Bonjour, je viens pour le numéro 24. Merci, au revoir ». Nous avions envie de faire vivre ce Point de R’Aliment d’une autre manière et ça n’a pas fonctionné. Alors, nous allons essayer ici, de mobiliser un petit peu plus le Point. Parce que nous avions des envies de formations, de partage de savoirs au niveau, par exemple, de produits d’entretien qu’on fait soi-même, du produit lessiviel, des produits WC, etc. Et on se disait « Pourquoi ne pas faire de temps en temps une petite formation, partager des recettes, … » Ça bouillonnait un petit peu d’idées.
En termes de nombre de consommateurs inscrits au Point de R’Aliment alors qu’il était encore à Amée, s’est-il développé progressivement depuis la naissance de la coopérative en 2013 ?
Non, on vient de fêter à la mi-octobre ou fin d’octobre la première année, c’est assez récent. On a eu des hauts et des bas, disons que du moment que les consommateurs restent chez Paysans-Artisans, ce n’est pas grave. Aussi, quand [le Point de R’Aliment d’] Erpent, s’est ouvert, c’est vrai qu’on a vu diminuer le nombre de paniers parce que les gens qui habitaient dans le haut de Jambes se sont dit qu’ils avaient plus facile d’aller à Erpent. Il n’y a pas de soucis du moment que les gens restent fidèles, mais c’est vrai que pour le moment, on vient d’avoir les congés et l’ouverture du magasin, donc les gens essaient le magasin. Je pense qu’après, nous allons remonter. Et puis, on explique aux gens, quand on les voit ici, que c’est complémentaire. Il y a plus de produits sur le site, forcément, le magasin est limité par l’espace et le prix est différent aussi, mais le souci en achetant ainsi est qu’on ne voit pas les produits. Donc, maintenant qu’il y a le magasin, il y a des gens qui attendent de voir les légumes en magasin pour les acheter.
Et aussi son contraire, il y a peut-être des gens qui, en voyant les produits en magasin, se disent qu’ils peuvent avoir confiance…
Oui, tout-à-fait, c’est possible aussi. Dans ma famille, ce qu’on aimait bien c’était le fait qu’on avait l’impression avec les Points de R’Aliment qu’il y avait moins de gaspillage, puisqu’on disait aux producteurs « Et bien voilà, arrache 15 salades, ce n’est pas la peine que tu en arraches 50 puisque cette semaine, il n’y en a que autant de demande… » Du coup, ils faisaient de la soupe si vraiment ces salades étaient trop loin, mais on avait l’impression, tout de même, de lutter en même temps contre le gaspillage en étant aussi clairs dans les commandes.
Il y a donc une gestion bénéfique au producteur via le système de commande.
Ah oui ! On commande du samedi jusqu’au mercredi, mais si on traîne parfois trop, on arrive trop tard… Par exemple les chicons, pour le moment, il n’y en a pas encore, mais dès qu’ils sont là, tout le monde se jette dessus. Donc, si vous commandez un peu tard, vous voulez cliquer sur le produit et il est marqué qu’on ne peut plus en commander, qu’en stock il y en a 0, donc c’est cuit pour les chicons cette semaine-là ! Alors on se dit « Samedi prochain, direct à 20h, je suis là ! ».
C’est sûr que, parfois, il y a des petits couacs à certaines périodes. Quand il y a moins de lait, par exemple pour les yogourts de brebis, à un moment, il n’y en a plus et c’est logique puisque les brebis produisent moins de lait. Il faut se précipiter quand il en reste encore un petit peu. Ce sont des choses qu’on apprend au fur et à mesure.
Et puis chaque année, au moment des congés scolaires, on voit une diminution des commandes, mais ça ne nous inquiète pas du moment que ça reste dans le même esprit. Notre philosophie, c’est le local, le bio ou en tous cas la culture raisonnée. C’est vraiment pour ça qu’on s’est investi dans ce projet. On aimerait que le Point de R’Aliment continue parce qu’à force de se voir régulièrement, on forme maintenant une bande de copains, même parfois un peu plus loin et on n’a pas envie de se dire « Bah, on se croisera peut-être au magasin ».
On aimerait aussi, parce qu’on a été très content de l’accueil que le Foyer Jambois nous a réservé et qu’au niveau de l’école des devoirs qu’ils organisent là-bas (ils ont démarré cette année un projet sur l’alimentation), continuer une collaboration avec eux pour maintenir quand même nos liens. On se dit que par les enfants, la culture des parents peut peut-être se faire, car quand on donne des recettes à des enfants et que les parents se disent « Tiens, tout compte fait, c’est un légume que je n’ai jamais mangé », peut-être que ça va suivre, on l’espère.
On se laisse encore un mois, un mois et demi, pour vraiment prendre nos marques ici. Mais après, on va essayer de relancer des petites activités par des jeux de société, des animations au niveau des jeunes, … On aimerait vraiment trouver un créneau et proposer des activités pour des gens qui seraient intéressés par des échanges de savoirs.
Combien de bénévoles s’investissent actuellement au Point de R’Aliment ?
Qui viennent régulièrement, nous tournons à une vingtaine. C’est pour cela qu’il faut qu’on trouve d’autres activités à organiser, parce qu’à un moment, on sera trop nombreux si pour la permanence il n’y a pas plus de consommateurs. Je ne voudrais pas qu’ils se découragent en se disant « Tout compte fait, je ne suis pas utile ». Relativement à la permanence, on fait une tournante, il y a un doodle et en principe, on demande que les bénévoles viennent un samedi matin par mois. Et depuis qu’on a ouvert le magasin, je pense que nous avons bien 5 nouveaux bénévoles. Par contre, il y en a qui disent que si on n’a pas besoin d’eux du weekend, ils iront de la semaine au magasin. Mais le fait d’avoir ouvert celui-ci, les gens disent « Ah mais vous travaillez comme bénévole pour un Point de R’Aliment ? Moi ça m’intéresserait », et ils viennent essayer et en général, ça débouche sur un arrangement…
Même pour les commandes, on se rend compte qu’il y a des gens avec qui on parle qui sont convaincus, mais il faut un temps, que ça trotte dans la tête avant qu’ils ne fassent le pas de commander ou bien de devenir bénévole. Je crois que c’est quelque chose qui doit murir. En général, ça ne se fait pas en passant ici et en venant la semaine prochaine. C’est quelque chose qui tourne dans la tête et puis on se lance vraiment. Nous pas, parce qu’on est là depuis le début à Jambes, on faisait partie d’un comité de quartier, on faisait partie des Jardins partagés devant les Chardonnerets et c’est devenu tout naturel. Et le jour où Paysans-Artisans est venu vraiment expliquer comment fonctionnait un Point de R’Aliment, c’était à l’extérieur, devant les jardins partagés sous une petite tonnelle, il faisait un temps infecte, il pleuvait, il y avait du vent et il y avait un monde bête ! Ca voulait dire que ça avait des chances de marcher et d’intéresser des gens parce qu’avoir traversé des conditions météorologiques pareilles, il fallait être motivés !
Quand on se propose pour être bénévole au sein de la coopérative, sur quels volets peut-on participer ?
Alors, il y a ceux qui vont à Floreffe pour la distribution des Points de R’Aliment, mais aussi la distribution des magasins, etc. Ca, c’est à Floreffe que ça se passe. Et ça vit très fort. Il y en a aussi certains qui travaillent plus dans le volet de la formation et ceux qui travaillent dans les magasins et les Points de R’Aliment. Et puis ceux de la formation permanente, dans les écoles et ceux qui sont à la rédaction de petits articles, ils recherchent ça pour tenir au courant les bénévoles de ce qui se passe à gauche et à droite.
Donc, il faut que chacun aille dans ses compétences et ne se force pas à aller dans quelque chose qui ne lui convient pas parce qu’il manque quelqu’un là-dedans. Je crois que c’est un win-win, la coopérative y gagne mais le bénévole aussi, il se sent mieux s’il est à sa place.
Quel est l’engagement moral des bénévoles ? Quand on rentre ici, on adhère à certains principes…
Oui, il y a une charte qu’on respecte. On la lit et on se demande si ça nous correspond vraiment. Je pense que si on n’adhère pas à cette charte, on ne se propose même pas. Ou alors on n’y reste pas parce qu’on se rend compte qu’on n’est pas dans la même optique. Il y a du commercial derrière, c’est sûr, puisque les producteurs doivent vendre leurs produits et gagner leur vie. Mais derrière, il y a vraiment autre chose, tout le côté humain et convivial.
Si vous deviez donner 3 qualificatifs du Point de R’Aliment ou 3 substantifs pour qu’une personne qui ne connaît pas puisse comprendre ce vers quoi elle pourrait aller.
Je pense que surtout, c’est vraiment la démarche citoyenne qui a primé mais maintenant, c’est pour l’ambiance beaucoup aussi. Et alors la qualité de l’alimentation.
Il y a tout le travail derrière et quand on est allé au « Circuit-court s’invite chez vous », on était dans une salle du parc Astrid et nous avons réussi à réunir 80 personnes qui sont venues rencontrer des producteurs, avec à chaque fois, pour les trois filières représentées, une petite vidéo. Et ça a fort intéressé les gens. Ce que nous allons essayer d’organiser aussi, ce sont ce type de rencontres avec les producteurs, pour que les gens connaissent vraiment la difficulté de la vie d’agriculteur. Il y avait une toute jeune fille qui nous expliquait pourquoi elle se lançait dans la culture des légumes et c’était super intéressant, ça aide les gens à mieux comprendre.
Commander via internet, c’est une chose qui va quelque part à l’encontre d’un des objectifs de la coopérative qui est justement de se faire rencontrer producteurs et consommateurs…
Oui, et c’est pour ça qu’il y a quand même de plus en plus de journées portes ouvertes chez l’agriculteur ou bien même des stages. Je n’ai jamais essayé, je ne sais pour qui ils étaient ouverts, mais on se disait que ce serait bien d’aller travailler une journée pour se rendre compte de ce que c’est.
Pour qui parviendrait à commander sans être un peu au fait de comment se passe une production en milieu agricole, c’est plus compliqué…
Oui, c’est plus compliqué mais je pense qu’il faut quand même faire la démarche de se poser la question « D’où viennent les produits qu’on vend ? »
On avait négocié qu’on allait faire une formation dans une classe. Ce jour-là, même l’enseignante a dit que quand tout le monde mangerait bio, les prix diminueraient. Mais nous, ce n’est pas notre philosophie qui est surtout d’assurer un juste salaire pour l’agriculteur. Il ne faut pas faire une pression sur l’agriculteur comme le fait la grande distribution. Et donc nous nous sommes dit qu’il y avait encore beaucoup de travail.
Au début, Paysans-Artisans a été créé pour aider les producteurs. Maintenant que le consommateur s’y retrouve en mangeant des choses saines, c’est d’autant mieux. Mais au départ, la coopérative était d’abord une coopérative de paysans et d’artisans qui se disaient, qu’ensemble, ils avaient une chance de s’en sortir.
Il y a donc un changement de mentalité chez certaines personnes. Pour les légumes de saison, il y a beaucoup de gens qui disent « Pourquoi n’avez-vous pas des tomates pour Noël ? » Parce c’est vrai que dans les grandes surfaces, on a des tomates toute l’année. Elles ont le goût qu’elles ont mais il y en a toute l’année. Ici, c’est vrai qu’à un certain moment, c’est un peu lassant, quand on arrive en fin d’hiver et qu’on a plus que toujours des choux, des betteraves et des carottes, beaucoup de gens disent qu’ils se lassent. Mais c’était comme ça quand j’étais jeune : il y avait des légumes d’hiver, des fruits d’hiver et c’était bien comme ça.
Mais il faut tout de même parvenir à accepter l’idée de se priver de ce qu’on a ailleurs à portée de mains, produit de n’importe quelle manière, et se dire que ce n’est pas ce qu’on veut supporter comme système alimentaire et, du coup, c’est tout un chemin…
C’est un chemin et c’est quelque chose qui doit mûrir dans l’esprit des gens de se dire que ce n’est quand même pas normal de manger des fraises à Noël qui viennent d’Espagne…
Parce qu’aussi au niveau de chez Paysans-Artisans, ils donnent des explications par filière de ce qui ne va pas. On a vu des films sur la surpêche, sur la tomate, …
Ce sont des choses que, de temps en temps, nous aimerions également mettre en place. Un soir, faire une petite réunion, on passe une vidéo sur la tomate, la surpêche ou les légumes et on discute ensemble, on fait un jeu de société. Aller plus loin que l’écran de consommateur.
Le but n’est pas non plus de faire tout bio. Il est évident que des producteurs ne sauraient jamais se payer le label bio. Ils travaillent bio, ils travaillent bien car ils respectent la terre.
Mais là, c’est un parti de confiance et on peut éventuellement aller visiter la ferme s’il y a ouverture à cette initiative…
Voilà, exactement ! Et il y a des initiatives comme ça. Le film sur la surpêche, c’était à Annevoie mais c’était intéressant de voir comment ils travaillaient leurs truites, etc. On savait qu’ils travaillaient bien mais le voir, c’est autre chose. La rencontre avec les producteurs, c’est vraiment quelque chose qui est important, de pouvoir mettre un visage. Ça change beaucoup de choses, je trouve.
Du côté du producteur, j’imagine qu’ils ont aussi du plaisir à rencontrer les consommateurs…
Voilà, autant nous aimons avoir un nom sur un visage, que eux aussi, ils aiment rencontrer et s’améliorer avec les critiques positives ou négatives que nous donnons. Et eux nous expliquent comment faire passer certaines choses, pourquoi il n’y a plus de yaourt de brebis, par exemple.
C’est revenir avec cette démarche de : « Qu’y a-t-il que la terre a produit, que les hommes ont respectueusement travaillé et que je peux consommer »…
Oui, alors qu’on a tout faussé pour qu’on ait tout, tout le temps, toute l’année. Il faut revenir à comprendre la culture, la terre et la protection environnementale car, malgré tout, quand on consomme local, il y a quand même quelques camions en moins sur les routes et c’est important aussi au niveau de la planète. Au départ, pour ma part, c’est une démarche consciente car j’ai des enfants et petits-enfants et que