Plan « masse de cultures » de la Commune de Jambes, 30 thermidor an XIII.
AEN, Cadastre de la province de Namur. Plans manuscrits, 834. © AEN.

Plan et plantations1

Entre 1802 et 1807, l’administration française lança un vaste projet dans tout l’Empire (et donc dans nos régions aussi !) : dresser le « Cadastre par nature de culture » pour plus de 10.000 communes. Le plan concernant la commune de Jambes est daté du 18 août 1805.

Cadastre par nature de culture ?
Ce type de cadastre n’évalue pas toutes les parcelles mais seulement les masses de toutes celles affectées à une même culture. Les masses sont donc constituées par l’ensemble des parcelles contiguës affectées à une même culture, sans distinction des limites de propriété.
La finesse de ces plans est cependant limitée : le cadastre ne connaissait que de grandes catégories de culture, et donne du coup une image assez systématisée du paysage agraire.

L’administration fut poussée dans ce projet par la réforme de la fiscalité française adoptée dans le contexte révolutionnaire en 1790 : désormais, le revenu imposable à chaque bien devrait être évalué par l’affectation à sa superficie d’un revenu moyen à l’hectare, calculé dans chaque commune pour chaque classe de culture.

Considérant qu’établir un cadastre parcellaire serait trop ambitieux, trop chronophage et surtout trop onéreux, l’administration opta en 1802 pour un arpentage et une évaluation « par nature de culture ». Elle considérait que cela permettrait de faire une estimation assez précise du revenu global de chacune des communes cadastrées. Cependant, contrairement à ce qui était prévu, les inégalités de l’imposition se trouvèrent accentuées avec ce système, et la population réclama le fameux cadastre parcellaire promis depuis 1790. En 1807, le plan « par nature de culture » fut donc abandonné au profit de ce nouveau projet de cadastre.

Les plans par nature de culture étaient donc levés in situ par des géomètres, placés sous l’autorité du « géomètre du département », qui menaient sur le terrain les travaux d’arpentage nécessaires : délimitation communale, triangulation, levé de détail, rédaction de la minute et du tableau indicatif, calcul des contenances, …

Sur base des levés, les géomètres établissaient le « plan-minute », dessiné au trait.

Ce plan-minute était ensuite vérifié, copié sur un calque et envoyé à Paris au bureau des dessinateurs attachés au ministère.

Trois copies en couleurs (lavis) étaient réalisées, l’une destinée à la Direction départementale des Contributions directes, la seconde aux archives communales, la dernière restant à Paris.

Tous les plans produits par l’administration sont organisés de la même façon. Le cartouche1 pré-imprimé sur les feuilles à dessin reprend le nom de la commune, le département, l’arrondissement et le canton, la date d’achèvement du levé du plan, ainsi que les noms du géomètre en chef et de l’arpenteur.

Les plans sont systématiquement orientés vers le Nord, et dressés à l’échelle 1/5000E.

Les teintes représentant les diverses cultures sont conventionnelles3. Le bâti est indiqué en masse en carmin, couleur traditionnelle pour l’usage. Les étendues d’eau sont également levées avec précision : elles peuvent être imposables.

Notes :

1. Le plan de Jambes est publié dans Florilège des Archives de l’Etat à Namur, sous la direction d’E. Bodart, Namur, 2023, p. 64. Merci aux Archives de l’Etat de Namur de nous avoir très aimablement fourni cliché et informations. Pour plus d’informations sur le sujet, voir De Spiegeler, P. Gémis, Quand la Wallonie était française : plans par masse de cultures (1802-1808), t. 1. Province de Namur, Namur, 2014.

2. Ce cartouche est orné du profil du 1er Consul, et de part et d’autre de chutes d’objets symboliques de l’Agriculture et de la Topographie.

3. Bleu ondulé pour les étangs et cours d’eau, sillons verts sur fond blanc pour les jardins, vert foncé pour les bois, rouge pâle ou violacé pour les vignes, jaune pâle avec des pointes vertes pour les vergers, ocre pour les terres labourables, vert pomme pour les prés, vert pâle et flaches pour les pâtures, blanc pour les routes et cours, …